Interview – Ludovic Fantuz, chef d’agence Eiffage Génie Civil et Shakoor, salarié du GEIQ BTP Hérault

Dans cette interview croisée, Ludovic Fantuz, chef d’agence chez Eiffage Génie Civil à Montpellier, et Shakoor Akbari, salarié en alternance au GEIQ BTP Hérault, partagent leur expérience commune. Ludovic Fantuz revient sur l’insertion professionnelle réussie de Shakoor au sein des équipes sur terrain, tandis que Shakoor témoigne de son parcours pour devenir coffreur-bancheur. Cette rencontre met en lumière la réussite collective rendue possible grâce à l’engagement d’Eiffage Génie Civil, le soutien du GEIQ, et la détermination d’un salarié à construire un avenir dans le BTP. Comment l’aventure de Shakoor continue avec Eiffage Génie Civil après son parcours au GEIQ BTP Hérault ? 

 

Pouvez-vous nous parler de vos parcours professionnels respectifs ?

Ludovic : « Je travaille dans les travaux publics depuis 20 ans, essentiellement en conduite puis en direction de travaux. En 2004, j’ai commencé chez Eiffage TP pendant 4 ans et ensuite chez Razel Bec pendant 10 ans. En 2018, j’arrive à ce poste de chef d’agence pour Eiffage Génie Civil à Montpellier. Je suis parti de zéro, puisque l’agence n’existait pas. Petit à petit, je me suis attaché à développer et à structurer l’agence qui couvre le secteur Languedoc-Roussillon pour tous les métiers du génie civil : la construction d’ouvrages d’art et hydrauliques, ainsi que le génie civil industriel et nucléaire. Nous comptons aujourd’hui une trentaine de salariés qui vivent en Languedoc Roussillon. »

Shakoor : « Je m’appelle Shakoor, je viens d’Afghanistan et j’habite en France depuis environ cinq ans. À mon arrivée, je ne parlais pas français et je n’avais pas de travail. Ces dernières années, j’ai beaucoup travaillé pour améliorer ma situation et j’ai récemment obtenu mon titre de coffreur-bancheur. Ce n’était pas facile tous les jours, mais je me suis accroché pour avancer. En ce moment, j’ai des difficulté à obtenir mon permis de conduire : j’ai déjà passé le code de la route une fois, mais je l’ai raté , car mon niveau de français est encore trop faible. Même si je n’ai pas le permis, je vais prochainement signer un CDI avec Eiffage Génie Civil, l’entreprise où j’ai effectué mon alternance durant le parcours avec le GEIQ BTP Hérault. »

 

Ludovic, quelles sont les raisons pour lesquelles vous passez par le GEIQ BTP Hérault ?

Ludovic : « Nous faisons appel au GEIQ BTP Hérault pour former et recruter certains profils de salariés. L’une des raisons découle directement du fait que nous avons des heures de clauses d’insertion obligatoires dans les marchés publics. Nous disposons de bons profils grâce au GEIQ, plutôt que de passer par de l’intérim, nous préférons investir sur des contrats de longue durée, avec des profils plus intéressants. Il y a un sourcing des candidats pertinents fait par le GEIQ, dont nous sommes adhérents depuis 6 ans. C’est une belle satisfaction, car les profils motivés ont envie d’apprendre et de progresser, tout particulièrement avec le dispositif HOPE. Je pense à Shakoor justement, salarié en alternance que nous avons formé en parcours avec le GEIQ et qui faisait partie du dispositif HOPE (Hébergement, Orientation, Parcours vers l’Emploi). »

 

Comment qualifieriez-vous le rôle d’Eiffage Génie Civil dans l’apprentissage de Shakoor ?

Ludovic : « Selon moi, le rôle d’Eiffage Génie Civil dans l’apprentissage de Shakoor a été important : nous l’avons accompagné pendant deux ans et demi sur plusieurs de nos chantiers. Shakoor est jeune et quand il est arrivé il était assez timide, il ne connaissait ni le métier, ni la vie de chantier : nous avons dû lui apprendre à la fois le métier de maçon-coffreur, ainsi que tout ce qui concerne le comportement et le savoir-être que l’on doit adopter sur un chantier de travaux publics. Au sein de notre entreprise, beaucoup de personnes se sont occupées de Shakoor, tels que des conducteurs de travaux et des chefs de chantiers. Nous l’avons vu progresser durant le contrat, ce qui encourageait nos collaborateurs à l’encadrer et à bien le former. C’est du temps et de la formation certes, mais lorsque la personne est motivée, tout se fait facilement ! »

 

Comment s’est déroulée l’intégration de Shakoor au sein de l’équipe ? Comment s’est passé l’apprentissage de Shakoor ? Quels défis avez-vous rencontrés lors du parcours ?

Ludovic : « Tout s’est très bien passé ! Pendant plus d’un an, il est resté sur un chantier située dans la Métropole de Montpellier, proche de chez lui avec peu de déplacements, ce fût facilitateur pour un démarrage. Il mettait toujours de la bonne volonté alors qu’il avait beaucoup de choses à intégrer, comme l’apprentissage de la langue française, pour lequel le GEIQ et nous-mêmes l’avons aidé. Effectivement, au démarrage, ce n’était pas facile de communiquer, il avait du mal à comprendre les consignes, c’est pour cela que nous avons pris le temps avec Shakoor. Hormis le niveau en français, nous avons relevé un autre challenge qui est celui de la mobilité. Dans notre métier du génie civil, nous avons souvent des chantiers assez loin de nos bases, Shakoor n’a pas le permis de conduire, il a fallu s’adapter sur ce point.

Néanmoins, il a toujours réussi à être à l’heure sur tous les chantiers, ce qui montre sa volonté de répondre à nos attentes, ce n’est pas tout le monde qui s’investit comme lui le fait. Pour continuer, il a travaillé sur 4 ou 5 chantiers avec différents interlocuteurs et tout notre personnel encadrant tâchait de l’accompagner pour qu’il se sente bien, afin que tout le monde soit gagnant, à tel point qu’aujourd’hui, nous lui proposons un CDI dès janvier 2025, à la fin de son contrat GEIQ. »

Shakoor : « J’ai vraiment aimé l’alternance, avec du temps en entreprise et en centre de formation à l’AFPA de Nîmes. Cela m’a permis de mieux comprendre le travail sur le chantier. Être jeune m’a aussi aidé à m’adapter à la vie de chantier. Tous mes collègues m’ont soutenu pour que j’apprenne le métier, même si je ne comprenais pas tout, comme les plannings par exemple.

J’ai été intégré à 100 % dès le début, il y a toujours une bonne ambiance sur le chantier. Eiffage Génie Civil est une grande entreprise où l’on peut réussir et où l’on est bien accueilli. Il y a beaucoup de chantiers intéressants. Par exemple, j’ai beaucoup aimé travailler sur le chantier du tunnel entre la Comédie et le Corum à Montpellier. Nous étions très bien équipés, nous avons contribué à construire plusieurs voies : une pour les voitures, une pour les vélos et une autre pour le tramway. J’ai aussi apprécié le chantier de Gignac, où nous avons construit une passerelle.

En revanche, le programme HOPE était difficile au début, notamment les cours intensifs de français pendant 6 semaines. Après avoir signé le contrat avec GEIQ, j’ai gagné en confiance, surtout avec les cours de Najet, professeure de français chez DEFI 34, que le GEIQ m’a proposé pour progresser. Aujourd’hui, je continue à apprendre le français tous les jours avec mes collègues sur le chantier. À la fin de ma formation, je n’étais pas stressé pour passer mon titre de coffreur-bancheur, car je savais que j’étais prêt et que je connaissais le métier. »

 

En quoi le GEIQ BTP Hérault a contribué à cette réussite collective ? Shakoor, comment votre parcours d’insertion professionnelle a-t-il changé votre vie personnelle ?

Ludovic : « L’accompagnement du GEIQ a été très important pendant ces deux ans et demi, c’est vous qui avez fait l’intermédiaire tout en accompagnant Shakoor sur les volets socio-professionnels : le suivi en centre de formation, l’apprentissage du français, ou encore le permis de conduire.

De plus, Shakoor faisait partie du programme HOPE, un dispositif national qui donne accès à la formation professionnelle aux personnes ayant le statut de réfugié. Le dispositif rassemble l’hébergement, l’orientation, le parcours vers l’emploi, avec des cours de français et la formation à un métier. Le programme HOPE est un dispositif attrayant du fait de sa valeur sociétale, c’est vraiment remettre dans le monde du travail des personnes qui en sont éloignées, qui viennent de pays en crise politique ou sociétale. Je pense que l’accompagnement cumulé du GEIQ et de l’entreprise a fait que l’on a mis le salarié dans les meilleures conditions pour qu’il arrive à intégrer un poste durablement. »

Shakoor : « La formation avec le GEIQ et Eiffage Génie Civil a changé ma vie en France. J’ai appris le français, ce qui m’aide pour tout : les démarches administratives, les échanges avec les autres et mon intégration dans la société. Avoir un travail a également changé ma situation financière. Grâce à cela, j’ai pu obtenir un appartement où je vis seul, d’ailleurs, je suis reconnaissant envers Alison Bureau du GEIQ pour son aide dans ces démarches. Normalement, elle va continuer à m’accompagner dans mes démarches administratives, même si maintenant, j’ai terminé mon parcours au GEIQ BTP Hérault. »

 

Ludovic Fantuz, chef d’agence Eiffage Génie Civil et Shakoor, salarié du GEIQ BTP Hérault

 

Shakoor, quelles compétences avez-vous développées durant ce parcours ? Et vous Ludovic, quelles qualités ou compétences avez-vous remarquées chez Shakoor qui ont fait de lui un atout pour votre entreprise ?

Shakoor : « J’ai développé les compétences pour exercer le métier de coffreur-bancheur. Eiffage Génie Civil m’a appris la vie d’équipe et les compétences techniques. En même temps, le GEIQ m’a apporté un accompagnement pédagogique pour apprendre le métier, améliorer mon français et m’aider dans mes démarches administratives. Sur le plan personnel, je suis plus confiant, moins timide et je comprends mieux les autres. Aujourd’hui, je me sens plus à l’aise dans la société.

Ludovic : « L’atout numéro 1 de Shakoor c’est sa personnalité, c’est une bonne personne. C’est quelqu’un qui a pris confiance en lui durant ces deux ans et demi, qui s’exprime de mieux en mieux au point de manier l’humour, ça fait plaisir de le voir évoluer ! Shakoor a eu un parcours de vie difficile, alors de le voir progresser et se sentir bien avec les autres compagnons et l’encadrement de chantier, c’est une vraie fierté pour le Groupe Eiffage. Selon moi, s’engager dans cette démarche ce n’est pas que des chiffres, c’est de la vraie insertion professionnelle concrète et positive où l’on sent que la personne intègre nos équipes pour le bien de tout le monde. »

 

Ludovic, pourquoi avez-vous proposé un CDI à Shakoor ?

Ludovic : « Évidemment, nous avons proposé un CDI à Shakoor, car il a les compétences sur le terrain et le savoir-faire. D’ailleurs, il a passé un titre professionnel de maçon-coffreur en génie civil qu’il a obtenu. On voit qu’il répond à nos attentes en termes de missions, tous ses collègues de chantier disent que c’est un bon élément qui va encore progresser. Quand vous avez des remontées des personnes sur terrain qui vous disent « Shakoor, il faut lui proposer un CDI, car on veut qu’il reste, c’est un bon élément et il va continuer à progresser », vous ne pouvez qu’écouter et lui proposer un contrat. C’est aussi le reflet des valeurs de notre agence, de l’humanité, de la solidarité et de la bienveillance : c’est comme cela que l’on avance, en travaillant en équipe. »

 

Quel message voulez-vous faire passer à d’autres personnes qui hésitent à s’engager dans une démarche d’insertion professionnelle ?

Ludovic : « J’aimerais leur dire de prendre le temps et d’avoir la volonté de s’occuper de ce public. Souvent, le retour est positif et on y rencontre des personnes motivées pour trouver une stabilité grâce à une vie professionnelle. De plus, quand il y a de l’accompagnement et que la personne est réceptive en face, ça marche, on peut aboutir à de très belles réussites ! »

Shakoor : « Quand je raconte mon expérience à des connaissances dans une situation similaire à celle que j’ai vécue, je leur conseille toujours de se tourner vers le GEIQ. C’est une excellente opportunité pour suivre une formation en alternance dans le BTP et obtenir un titre professionnel. Personnellement, grâce au GEIQ BTP Hérault, j’ai décroché mon titre de coffreur-bancheur et un CDI. Sans eux, je ne sais pas si j’aurais trouvé un emploi aujourd’hui. »

 

Une anecdote avec Shakoor ?

Ludovic : « Il y a forcément l’anecdote du permis de conduire : pour Shakoor, le permis reste une épreuve à passer et on a vraiment envie qu’il y arrive. Comme je disais, Shakoor n’était jamais en retard sur chantier, il lui est même arrivé de faire les déplacements à vélo entre son domicile et un chantier à Gignac, à plus de 30 kilomètres de Montpellier. »

 

Shakoor, le GEIQ en un mot ?

Shakoor : « « Réussite », c’est un mot que j’ai appris récemment en français et qui résume parfaitement ce que m’a apporté Eiffage Génie Civil, le GEIQ BTP Hérault et l’AFPA. »

 

Edith Vayssié, Shakoor et Alison Bureau – GEIQ BTP Hérault